« Avant de donner mes tudes in dites sur les moeurs, les usages, les r jouissances et les f tes de Bordeaux, du Moyen ge au XVIIIe si cle, j'ai tenu pr senter aux lecteurs de ce livre quelques pages d'histoire locale, -- histoire politique, conomique, arch ologique. Il y a l bien des faits oubli s que l'on se rem morera avec plaisir, quelques v nements ignor s ou impr cis jusqu'ici que l'on conna tra -- peut- tre -- avec int r t. Bien souvent Bordeaux -- ce m'est une joie de le constater -- a su fixer l'attention des voyageurs illustres ou simplement connus. Beaucoup, parmi ceux-ci, lui ont consacr des lignes flatteuses. Mais avant ces admirateurs de passage, qu'il me soit permis de citer le tableau plein de lignes majestueuses que le po te Ausone, d s le IVe si cle, a trac de sa ville natale: "Bordeaux est le lieu qui m'a vu na tre, Bordeaux o le ciel est cl ment, o la terre f cond e par l'humidit prodigue ses largesses, o sont les longs printemps, les rapides hivers et les coteaux charg s de feuillage. Son fleuve qui bouillonne, imite le reflux des mers. L'enceinte carr e de ses murailles l ve si haut ses tours alti res, que leurs sommets a riens percent les nues. On admire au-dedans les rues qui se croisent, les maisons bien align es, et la largeur des places; puis les portes qui r pondent en ligne directe aux carrefours, et au milieu de la ville, le lit d'un fleuve aliment par des fontaines. Lorsque le p re Oc an l'emplit de son reflux, on voit la mer tout enti re s'avancer avec ses flottes. " part les hautes murailles, dont il ne reste aucun vestige... et aussi le passage relatif la temp rature, -- les "longs printemps " rendent r veurs -- on pourrait croire ce tableau sign d'hier. Apr s ces lignes d'Ausone, je ne citerai que deux loges imprim s en l'honneur de notre ville, cela parce qu'ils sont trait s d'une fa on pittoresque et qu'ils proc dent de sentiments diff rents. L'un est sign Chapelle et Bachaumont et date du XVIIe si cle; l'autre date de 1840 et a t peint par Th ophile Gautier: Dans leurs Voyages amusants, Chapelle et Bachaumont parlent en effet de Bordeaux et de sa foire qu'ils eurent la bonne fortune de trouver ouverte durant le s jour qu'ils firent chez l'intendant Tallemant. Ils expriment d'abord leur admiration l'aspect des nombreux navires qui se balancent dans le port. "La Garonne est effectivement si large, crivent-ils, depuis qu'au Bec d'Amb s elle est jointe avec la Dordogne, qu'elle ressemble tout fait la mer, et ses mar es montent avec tant d'imp tuosit , qu'en moins de quatre heures nous f mes le trajet ordinaire. "Et v mes au milieu des eaux, Devant nous para tre Bordeaux, Dont le port en croissant resserre Plus de barques et de vaisseaux Qu'aucun autre lieu de la terre." Sans mentir, la rivi re tait alors si couverte, que notre felouque eut bien de la peine trouver une place pour aborder. La foire qui devait se tenir dans peu de jours avait attir cette grande quantit de navires et de marchands quasi de toutes les nations pour charger des vins de ce pays. "Car ce fameux et rude port, En cette saison a la gloire De donner tous les ans boire presque tous les gens du Nord." Ces messieurs emportent tous les ans de l une effroyable quantit de vins; mais ils n'emportent pas les meilleurs. On les traite d'Allemands, et nous appr mes qu'il tait d fendu non seulement de leur en vendre pour enlever, mais encore de leur en laisser boire dans les cabarets. " Il n'y a qu'une ombre dans ce tableau, d'ailleurs mouvement et riant: c'est la position humili e qu'y occupent les trangers. On leur refuse le vin de l'hospitalit . Vieilles moeurs capables de plaire aux protectionnistes, qui ne sont pas les moeurs des Bordelais d'aujourd'hui. Autre est l'impression produite sur Th ophile Gautier par Bordeaux, il y a cinquante ans, impression de grandeur mais de tristesse, plus po tique que r elle. Je reproduis cette page du grand styliste plut t pour sa valeur litt raire que pour l'exactitude de ses d tails. Voici de quelle fa on s'exprime Gautier: "Bordeaux a beaucoup de ressemblance avec Versailles pour le go t des b timents: on voit qu'on a t pr occup de cette id e de d passer Paris en grandeur; les rues sont plus larges, les maisons plus vastes, les appartements plus hauts. Le th tre a des dimensions normes; c'est l'Od on fondu dans la Bourse. Mais les habitants ont de la peine remplir leur ville; ils font tout ce qu'ils peuvent pour para tre nombreux; mais toute leur turbulence m ridionale ne suffit pas meubler ces b tisses disproportionn es; ces hautes fen tres ont rarement des rideaux, et l'herbe cro t m lancoliquement dans les immenses cours. Ce qui anime la ville, ce sont les grisettes et les femmes du peuple, elles sont r ellement tr s jolies: presque toutes ont le nez droit, les joues sans pommettes, de grands yeux noirs dans un ovale p le d'un effet charmant. Leur coiffure est tr s-originale; elle se compose d'un madras de couleurs clatantes, pos la fa on des cr oles, tr s en arri re, et contenant les cheveux qui tombent assez bas sur la nuque; le reste de l'ajustement consiste en un grand ch le droit qui va jusqu'aux talons, et une robe d'indienne longs plis. Ces femmes ont la d marche alerte et vive, la taille souple et cambr e, naturellement fine. Elles portent sur leur t te les paniers, les paquets et les cruches d'eau qui, par parenth se, sont d'une forme tr s l gante. Avec leur amphore sur la t te, leur costume plis droits, on les prendrait pour des filles grecques et des princesses Nausicaa allant la fontaine." Th ophile Gautier a d visiter Bordeaux un jour de canicule, o la ville avait t d sert e par la moiti de la population. En tous cas, nous pouvons constater que si l'impression de Gautier tait juste en 1840, il n'en serait pas d
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